Le recouvrement – ou le cover – reste une tâche très délicate pour le tatoueur qui relève ce défi. En effet, le tatoué porte une marque indésirable et parfois, après plusieurs refus, fonde tous ses derniers espoirs sur lui.
Le recouvrement – ou le cover – reste une tâche très délicate pour le tatoueur qui relève ce défi. En effet, le tatoué porte une marque indésirable et parfois, après plusieurs refus, fonde tous ses derniers espoirs sur lui. Comme le dit l’adage « à cœur vaillant, rien n’est impossible », il semble que la plupart des covers soient réalisables. Il faut parfois que le client réajuste son projet et surtout accepte les conseils d’un artiste spécialiste du sujet.
J’en ai interviewé trois : Flo de Cake Tattoo Shop (Monéteau), Zelda BJJ et Leeya de Lagomorpha Tattoo Shop (La Teste-de-Buch). Ils nous donnent les clefs d’un cover réussi.
Texte : @Alexandra Bay
De temps en temps, je recouvre des tatouages à la mode… mais des années 90’s/00’s, comme Titi, le signe de l’infini ou des tribaux… »
Flo Cake
Le cover est un exercice auquel tous les artistes tatoueurs sont confrontés durant leur carrière. Il s’agit de rattraper des motifs anciens qui ont mal vieillis, les ratés de nos scratcheurs ou autres motifs indésirables. Il est primordial de réfléchir son projet et de prendre le temps de choisir un artiste tatoueur professionnel.
« Les tatouages anciens se sont souvent élargis et empâtés avec le temps. Je recouvre aussi des tatouages « mal exécutés ». Leur taille est trop petite et les lignes de texte se transforment en « pâtés noirs ».
Zelda BJJ
Parmi les nombreux covers qu’il exécute, Flo de Cake Tattoo Shop relève : « Je recouvre de vieux tatouages, entre 15 à 20 ans, un peu passés et souvent mal faits. Il y a aussi les prénoms de conjoint(e) et les merdes plus récentes faites par des scratcheurs. De temps en temps, je recouvre des tatouages à la mode… mais des années 90’s/00’s, comme Titi, le signe de l’infini ou des tribaux… »
La tatoueuse Zelda BJJ ajoute : « Les tatouages anciens se sont souvent élargis et empâtés avec le temps. Je recouvre aussi des tatouages « mal exécutés ». Leur taille est trop petite et les lignes de texte se transforment en « pâtés noirs ». Le point final est ajouté par la tatoueuse Leeya qui trouve que les tatouages des scratcheurs restent les plus difficiles à rattraper.
Les scratcheurs, fournisseurs officiels de covers
Depuis de nombreuses années, le S.N.A.T. attire l’attention du public sur les scratcheurs. Et ce n’est pas une légende urbaine. Flo estime : « Je crois que ça doit être 50 % des motifs que je recouvre ou récupère. » Leeya enchaîne : « Ça concerne au moins 60 % de mes covers. J’en vois défiler de plus en plus ces 2 dernières années. Je dis souvent qu’ils me rapportent du boulot, mais sincèrement, faut arrêter le carnage, les gars ! »
…les clients qui viennent pour un recouvrement témoignent d’une certaine pudeur (voire de la honte) par rapport à cette expérience.
Zelda BJJ
Pour conclure cet aparté, Zelda nuance : « Ce sont environ 40 % de mes covers. Il n’est pas évident de mettre des noms sur des « scratcheurs » ni des tarifs concernant la réalisation de ces tatouages. Car les clients qui viennent pour un recouvrement témoignent d’une certaine pudeur (voire de la honte) par rapport à cette expérience. Mon job, c’est de déployer la « magie du cover » pour attirer l’attention sur un autre motif, tout nouveau, tout beau. » Par ailleurs, Zelda consacre 10 à 15 % de ses covers au recouvrement de cicatrices, une noble cause, mais une démarche thérapeutique bien différente.
Covers faciles et difficiles
Nos trois experts s’accordent à dire que les tatouages de petite taille et les anciennes pièces délavées sont les plus faciles à recouvrir. Leeya explique : « Les plus faciles sont les petits lettrages du type « initiales » ou les « vieux » tattoos bleus clairs tout mini. Les pigments ont tellement vieilli qu’en deux trois coups d’aiguilles, ça disparaît comme par magie ! »
Les tatouages nécessitent une taille de cover 2 à 3 fois plus grande que celle de départ. Donc il est facile de « noyer » l’ancien petit motif sous un nouveau, bien plus grand.
Zelda BJJ
Zelda précise pour les vieux tatouages : « La simplicité ici est de remettre de la couleur ‘opaque’ sur un motif devenu très transparent. On n’est pas obligé de tenir compte de l’ancien tatouage pour composer notre nouvelle image. » Pour les tatouages de petite taille, la tatoueuse ajoute : « Les tatouages nécessitent une taille de cover 2 à 3 fois plus grande que celle de départ. Donc il est facile de « noyer » l’ancien petit motif sous un nouveau, bien plus grand. » Vous serez donc rassurés si vous rentrez dans l’une des précédentes cases. Selon le motif, ça se complique parfois.
Quels sont les covers impossibles ?
Nos trois artistes refusent cette idée. Cependant, certaines demandes sont plus complexes selon les exigences du client, alors restez ouvert aux propositions. Zelda explique ainsi : « Les tatouages les plus difficiles sont très noirs ou dans des couleurs très sombres presque en aplat et vraiment « blindés d’encre ». Ce sont aussi les tatouages très massifs, volumineux, avec très peu de peau libre laissant ‘respirer’ le dessin. Il y a un parcours que le client doit être prêt à faire et le budget qu’il doit prendre en compte.
Quand je vois la détresse des gens qui ont fait plusieurs shops avec une réponse toujours négative, j’aime prendre le temps de leur expliquer pourquoi peu de tatoueurs veulent recouvrir leur motif.
Flo Cake
Certains covers prendront plusieurs séances d’encre blanche pour « déboucher » (éclaircir) des zones sombres intenses, et donc des cicatrisations successives. D’autres nécessiteront d’abord l’éclaircissement de l’ancien motif par un détatouage laser chez le dermatologue, ainsi qu’une phase de repos/récupération de la peau assez longue, au moins 1 an, avant de pouvoir repartir sur un nouveau tatouage. Même si les émissions télé à ce sujet sont devenues populaires, je note que les gens restent assez mal informés sur ce qu’il est possible de faire ou pas. Une jeune femme m’a demandé récemment, tout étonnée : « Pourquoi vous n’utilisez pas juste de la couleur peau pour recouvrir… ? »
Flo Cake conclut : « Quand je vois la détresse des gens qui ont fait plusieurs shops avec une réponse toujours négative, j’aime prendre le temps de leur expliquer pourquoi peu de tatoueurs veulent recouvrir leur motif. Très souvent, leurs demandes sont incompatibles avec la pièce qu’ils ont à recouvrir ! En discutant, j’évoque les différentes possibilités et le tarif aussi. Et j’arrive à proposer des covers…. Même quand c’est impossible ! »
Réussir son projet de cover
Un projet de cover réussi, c’est une collaboration franche entre le tatoué et le tatoueur. Le cover fera au moins trois fois la taille du motif d’origine. Après avoir défini le projet et le budget avec le tatoueur, faites-lui confiance. Il aura à cœur de réussir votre projet pour rester sur une note positive.
Spécialiste du style watercolor, Zelda nous décrit sa méthode : « Après avoir décortiqué et validé la demande de cover, je demande au client de mettre la main à la pâte et de décalquer le tattoo à recouvrir. Une fois que l’on s’est mis d’accord sur le thème/motif à faire, je scanne le document. Puis, je travaille à plat, par calques superposés en infographie. Je garde sous les yeux les photos du tatouage à recouvrir et le corps du client. J’ai tendance à élaborer une composition ‘cousue main’ pour que le placement soit précis et facile. Je peux aussi travailler en free hand (à main levée sur la peau) le jour même…
Pour réussir un cover, il faut composer un motif qui tiendra compte des éléments déjà présents et entrera en interaction avec ceux-ci…
Zelda BJJ
Pour réussir un cover, il faut composer un motif qui tiendra compte des éléments déjà présents et entrera en interaction avec ceux-ci : perdre les zones sombres sous du noir, récupérer des zones de peau vides pour y mettre de nouvelles couleurs vives, intégrer des lignes anciennes au nouveau design si possible, équilibrer et corriger les formes. Sinon, l’ancien motif peut toujours ‘ressurgir ’ et se percevoir par transparence après la cicatrisation !
C’est la grande différence entre un « blast over » où l’ancien tatouage devient illisible avec l’ajout d’un tatouage différent et un « cover up » où l’objectif réel est qu’on ne voit plus du tout ou très peu le tattoo initial. » Si la démarche reste la même, selon les styles, le cover s’adapte.
Ainsi Flo Cake encre un new school aux compositions funs et ultras colorées, tandis que Leeya profite des parties sombres pour les adapter aux pelages des animaux de son style néo-trad. Quel que soit l’artiste, le tatoueur expérimenté saura adapter son style sur votre pièce à recouvrir.