Rion tatoue « Chez Mémé » à Paris, métro voltaire. Elle a ouvert le shop il y a 4 ans, avec ses copines Elisabethe Pires et Armelle STB. Franche et sans réserve, la jeune femme de 31 ans se définit ainsi : « Fume des clopes, se gratte la panse, aime le vin rouge, les oignons, les objets de mauvais goût, sa platine vinyle et percer des boutons. Bien le bonjour chez vous ! » Voici Rion, la tatoueuse qui apporte un souffle d’humour et de créativité dans le « Tattooland ».
Texte : Alexandra Bay
Une enfance bercée par les arts
Petite fille, Marion (pour les intimes) dessine pour échapper à une réalité parfois morose. Elle crée son univers et griffonne un peu partout, « surtout sur les nappes des restaurants ». Ses parents l’encouragent à cultiver sa petite graine artistique. Marion se rappelle : « Poussée par mes parents – je les en remercie au passage —très jeune, j’ai pas mal participé à des ateliers de dessin et de peinture. Ça m’a permis de me familiariser à quelques techniques et surtout de confirmer mon orientation artistique. »
J’ai été graphiste free-lance par défaut, car je suis plutôt du genre crayon, papier et peinture.
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Après un bac option « arts plastiques », Marion poursuit ses études dans la même discipline à la Sorbonne. Puis, elle étudie le graphisme publicitaire pendant 3 ans et adopte un statut d’indépendante. Elle raconte « J’ai été graphiste free-lance par défaut, car je suis plutôt du genre crayon, papier et peinture. En plus, je suis ultra-sociable, alors le côté “relation exclusive avec mon ordinateur et le dieu Photoshop” m’a très vite lassée. »
Un parcours riche d’expériences
Marion tâtonne dans différents milieux professionnels avant de trouver sa voie. Elle bosse dans l’audiovisuel. Elle réalise quelques courts métrages et vidéo-clips. Trop perfectionniste, elle décide d’arrêter au risque d’y laisser sa santé. Puis, elle crée une marque de bijoux avec une amie, mais achève en solo. Marion confie : « Ça m’a pris pas mal de temps. J’ai tout donné, vu le bout du tunnel et fini par tout abandonner au dernier moment pour des raisons financières. Voili voilou… Finalement, j’ai testé pas mal de choses qui n’ont pas vraiment abouti… mais le cœur y était. »
J’ai commencé rapidement à tatouer des clients. J’avais un boulot et je piquais mes dessins sur des amis pour m’entraîner le soir, chez moi.
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Enfin, Rion trouve sa voie et débute le tatouage dans un salon privé. À l’époque, le shop s’appelle « Eazy Ink », spécialiste en réalisme et lettering. Grâce à un ami d’ami, elle devient l’apprentie d’Elisabethe Pires. Elle se remémore : « Je le lui dois beaucoup. Elle m’a toujours conseillé du mieux qu’elle pouvait, même si l’on avait toutes les deux des styles très différents. J’ai commencé rapidement à tatouer des clients. J’avais un boulot et je piquais mes dessins sur des amis pour m’entraîner le soir, chez moi. C’était un rythme un peu fou quand j’y repense, très intense… mais j’étais vraiment à fond. »
Elle envisage le tatouage comme une carrière lors de son premier tattoo, une grosse typo sur son bras. Elle a environ 24 ans. Elle relate : « […] à ce moment-là, j’ai pris conscience que c’était encore l’un des rares métiers où l’on pouvait VRAIMENT dessiner. Je veux dire sur du papier. C’était aussi possible d’avoir son petit univers et de s’exprimer à travers un style. En plus, l’aspect rapport humain m’a fait tilter : partager un moment avec le client et travailler en équipe. » Elle se renseigne sur l’apprentissage, mais comprend très vite que c’est un réel engagement. Comme elle bosse sur son projet de bijoux. Elle met cette envie dans un coin de sa tête.
Alors, elle plonge à fond dans le dessin et prépare un book. C’est à ce moment-là qu’elle trouve son apprentissage chez « Easy Ink ».
Quelques années après, une amie la relance sur le sujet de l’apprentissage. Rion se souvient : « […] l’idée est revenue sur le tapis à l’occasion d’une discussion entre potes sur le tatouage d’une amie. Il s’agissait de Cartman de la série South Park. Son tatouage me faisait bien marrer, car j’aime South Park. Une de mes copines qui fréquentait un peu le milieu m’a poussée à tenter ma chance. D’ailleurs, mon surnom“Rion” vient d’elle. Après mes débuts, j’ai pris le pseudo en dédicace. » Cependant, la tatoueuse va vivre des évènements malheureux successifs. Elle passe un cap difficile. Alors, elle plonge à fond dans le dessin et prépare un book. C’est à ce moment-là qu’elle trouve son apprentissage chez « Easy Ink ».
Du old school à un style plus personnel
Dès ses débuts, Rion tatoue du « old school ». Elle est ravie, car elle a la chance d’encrer ses propres motifs. Mais elle est perfectionniste et se met encore la pression. Elle explique que « c’est archi stressant, mais en contrepartie, carrément excitant. » Elle prend de l’assurance au fur et à mesure des rencontres. Elle observe les autres artistes durant ses déplacements en conventions. Elle écoute les conseils et essaie de les appliquer. Petit à petit, Rion se détend enfin grâce à sa maîtrise technique.
Je caresse également l’espoir de faire des tatouages toujours plus “punchy” à l’avenir…
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Son prochain défi ? La tatoueuse exprime son souhait : « Je vais m’éloigner du traditionnel aux grosses lignes et de ses thèmes. J’aimerais partir sur un style “illustration” — plus fun et libre à mes yeux — tout en gardant une esthétique vintage. Je vais continuer dans cette direction, c’est sûr ! J’adore quand les gens sourient et rigolent en voyant l’un de mes tattoos. C’est la meilleure des récompenses, le nec plus ultra ! Et bien sûr, encore plus de couleurs ! J’aime les couleurs. C’est parfois un peu casse-gueule, mais ça permet de faire plus de choses différentes… Je caresse également l’espoir de faire des tatouages toujours plus “punchy” à l’avenir… »
« Plus de tatouages de dauphins pervers, s’il vous plait ! J’essaie toujours d’en refourguer, mais personne n’en veut… » À votre bon cœur !
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Rion possède un univers créatif déjà décalé. Lorsqu’on lui demande s’il y a des thèmes qu’elle aimerait tatouer, elle répond : « Les dauphins violeurs, ces animaux sont pervers et sans morale. Je me suis pas mal documentée à ce sujet, mais tout le monde n’a pas l’air très au courant… et il faut que ça cesse. Viols collectifs, agressions sexuelles sur d’autres animaux ou humains. Contrairement à ce que l’on pense, ils sont répugnants et il faut que ça se sache. Si le tatouage peut m’aider à changer le monde et à rétablir la juste vérité sur ces vicelards, allons-y gaiement ! Plus de tatouages de dauphins pervers, s’il vous plait ! J’essaie toujours d’en refourguer, mais personne n’en veut… » À votre bon cœur !
La musique et Joan Cornella
Rion vénère la musique. C’est le moteur de sa vie. Elle en écoute du matin au soir. C’est une vraie boulimique. Elle le dit sans détour : « C’est clairement ce qui nourrit ma créativité, et ce depuis toujours, une véritable échappatoire mentale indissociable du tattoo. Du coup, je fouille tous les styles. Je les suçote, je les aspire jusqu’à saturation auditive, puis je passe à un autre : rock psychédélique, expérimental, métal, hip-hop, soul, chanson française, boogie, funk, salsa, disco, italo disco, etc. » Elle aime surtout les musiques des années 70, 80 et 90. Elle assume son côté « born too late », née trop tard pour écouter de la bonne musique.
Elle apprécie aussi les estampes du mouvement Ukiyo-e : Torii Kiyonaga, Kitagawa Utamaro et Utagawa Kuniyoshi. Elle est admirative de leur justesse et de leur simplicité.
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Elle affectionne tout le design des années 60, 70 et 80 : les lampes à lave, les patterns Psyché, les canevas dégueulasses, la moumoute orange, les animaux en céramique bien « malaisants ». Toute l’iconographie de cette période l’inspire, ainsi que les cartes postales vintage. Elle apprécie aussi les estampes du mouvement Ukiyo-e : Torii Kiyonaga, Kitagawa Utamaro et Utagawa Kuniyoshi. Elle est admirative de leur justesse et de leur simplicité. Elle ajoute : « De toute façon, j’adore l’imagerie japonaise principalement pour l’humour ou la tendresse qui s’en dégage. Parfois, ils ont vraiment un pète au casque. » C’est aussi pour cette raison qu’elle raffole du travail barré de Joan Cornellà. Elle l’appelle le Saint Patron !
Bienvenue « Chez Mémé »
Rion et Elisabethe décident de voler de leurs propres ailes. Elles se lancent dans l’aventure « Chez Mémé » avec une autre associée tatoueuse Armelle STB. Rion relate cette belle aventure : « Ce grand projet m’a beaucoup appris techniquement et humainement. Je me suis améliorée grâce aux tatoueurs et aux guests, comme mon collègue Sacha Madewithlove à qui je dois beaucoup. J’ai pris plus d’assurance et au bout de 5 ans de pratique, je me sens plus à l’aise. Je profite à fond même si parfois je galère encore un peu, mais c’est la loi du tattoo, sinon ce ne serait pas drôle ! »
Elle conclut par un joli discours sur le métier de tatoueur : Ce sont de belles amitiés, de jolies rencontres, beaucoup de voyages, des joies, des pleurs, mais surtout beaucoup de fous rires.
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Elle conclut par un joli discours sur le métier de tatoueur : « Ce sont de belles amitiés, de jolies rencontres, beaucoup de voyages, des joies, des pleurs, mais surtout beaucoup de fous rires. Ma réponse ressemble à la fin bidon d’un mauvais téléfilm de Noël, mais c’est la vérité vraie. C’est un chouette métier où il faut travailler dur, apprendre sans cesse et toujours se remettre en question… Prendre de la distance parfois — ah j’aime les vacances — ça fait un bien fou. Après, c’est comme dans la vie, on avance pas tout seul, alors merci Tattooland, merci les gens, les copains, les clients… vous êtes au max ! »
Instagram : @r_i_o_n
@chez_meme_paris
Depuis cet article, Rion travaille à Barcelone, chez One O Nine Tattoo Barcelona