Prof. Nicholas York se fait appeler « Professeur » en hommage à son mentor, l’irlandais Samuel O’Reilly. Avec une carrière débutée à l’âge de 15 ans, le texan a enfin trouvé son style. L’artiste encre un traditionnel « antique » aux lignes épaisses et aux compositions audacieuses. Le collectionneur réinterprète, avec un profond respect, les tattoo flashes des plus grands artistes du siècle dernier.
Texte/Interview d’Alexandra Bay – Photos : Prof. Nicholas York
Alexandra Bay : Ton père était tatoueur. A-t-il été une source d’inspiration ?
Professor Nicholas D. York : Mon père n’a pas été une source d’inspiration en particulier. Il a passé la majeure partie de ma vie en prison. Du coup, il a eu très peu d’influence sur mon style de tatouage. Le fait que nous tatouons tous les deux n’est qu’une simple coïncidence. Mon frère aîné manie aussi le dermographe. Ce dernier a également un style complètement différent du mien et de celui de mon père.
« Peu de temps après, j’ai économisé pour m’acheter un kit de tatouage. Puis, j’ai transformé ma chambre en studio […] »
A.B. : Tu as commencé à tatouer très jeune, dès l’âge de 15 ans. Peux-tu me parler de tes débuts ?
P.N.D.Y : Je travaillais à temps partiel chez Hottopic. Je faisais des piercings sur moi-même, mes amis et mes camarades de classe. Mon copain Nathan m’a dit que je devrais me pencher sur la pratique du tatouage. À cette époque, je commençais à me faire tatouer par quelques personnes dans l’est de Plano, au Texas. Peu de temps après, j’ai économisé pour m’acheter un kit de tatouage. Puis, j’ai transformé ma chambre en studio de tatouage. J’ai retiré la moquette et posé du faux carrelage, j’ai sorti mon lit et j’ai installé une table de massage. Mon installation à l’époque était en fait plus agréable que la plupart des premiers studios dans lesquels j’ai travaillé.
A.B. : Pourquoi t’es-tu intéressé au tatouage traditionnel Américain ?
P.N.D.Y : À l’origine, je trouvais que c’était amusant à tatouer, en particulier, le premier traditionnel que j’encrais avec des lignes vraiment audacieuses et une couleur unie. Je produisais des motifs complexes à l’époque et beaucoup de tatouages étaient de vrais casse-tête. Mais j’ai affiné mon style vers un traditionnel plus simple et « relaxant » à tatouer… C’est aussi un style que je dessine bien naturellement.
« Votre style n’aura pas l’air ancien si vous utilisez du vert néon à la place du vert olive. »
A.B. : Tu tatouais du New School très coloré auparavant. Comment as-tu appris à maîtriser la palette de couleurs du tatouage traditionnel américain ?
P.N.D.Y : J’ai beaucoup observé les tatouages des artistes tatoueurs traditionnels. J’ai essayé de comprendre ce qui leur donnait cet aspect si particulier. J’ai réalisé que la palette de couleurs était limitée à des tons doux/neutres. Ça donnait à mon style traditionnel un aspect plus « antique ». Votre style n’aura pas l’air ancien si vous utilisez du vert néon à la place du vert olive.
A.B. : D’ailleurs, tu tatoues très peu de couleurs dans tes pièces. Pourquoi as-tu fait ce choix ?
P.N.D.Y : J’ai l’impression que le « look » tout noir lui donne un aspect encore plus antique. Je suis bon en couleur, mais beaucoup de couleurs ressortent bien trop vives sur la peau. De plus, les tatouages en couleurs sont plus chers, donc les gens optent généralement pour le noir, de toute façon.
« Le premier objet que j’ai acheté est une carte de visite du tatoueur anglais George Burchett […] »
A.B. : Quand as-tu commencé à collectionner des artefacts de tatouage ?
P.N.D.Y : J’ai commencé à collectionner, il y a environ 4 ans. Je suis nouveau dans la scène des collectionneurs.
A.B. : Quel est le premier objet de ta collection ?
P.N.D.Y : Le premier objet que j’ai acheté est une carte de visite du tatoueur anglais George Burchett, peu de temps après avoir acheté l’un de ses flashs de tatouage, un dragon.
A.B. : Quel ancien tatoueur préfères-tu ? et pourquoi ?
P.N.D.Y : Samuel O’Reilly est celui que je préfère en ce moment. Il était l’un des premiers et faisait des tatouages d’un niveau tellement supérieur. Nous en savons assez peu sur lui, et il est toujours auréolé de mystère à certains égards. Il n’existe pas beaucoup de photos de lui, mais des tonnes de gens qu’il a tatoués.
« Je pense que mes clients aiment surtout le style du traditionnel, même si certains d’entre eux sont probablement intéressés par son histoire. »
A.B. : Tu reproduis souvent d’anciens flashs de tatouage. Est-ce que tes clients sont aussi passionnés d’histoire que toi ?
P.N.D.Y : Je pense que mes clients aiment surtout le style du traditionnel, même si certains d’entre eux sont probablement intéressés par son histoire. Cependant, je ne sais pas combien ont conscience que le tatouage qu’ils se font encrer vient d’un flash ancien et déjà tatoué il y a plus de 120 ans.
A.B. : Quelle est la pièce de collection la plus rare que tu possèdes ?
P.N.D.Y : Ma pièce la plus rare est une photo originale du cabinet du tatoueur anglais Sutherland Macdonald.
« Typiquement, le style américain est un peu plus audacieux et solide tandis que l’approche anglaise est un peu plus délicate et possède une fine touche artistique. »
A.B. : Je crois savoir que tu es un amoureux du style de Georges Burchett. Penses-tu que les styles traditionnels anglais et américain sont liés ? Quelles sont les différences ?
P.N.D.Y : Yeah, le tatouage Américain et Anglais jouent les coudes à coudes depuis longtemps même s’ils se sont beaucoup apportés sur différents aspects. Typiquement, le style américain est un peu plus audacieux et solide tandis que l’approche anglaise est un peu plus délicate et possède une fine touche artistique.
A.B. : Peux-tu me parler de ton nouveau livre « Tattooing to Perfection » sur le professeur Clark (début du 20e siècle) réalisé avec Judith Lukas ?
P.N.D.Y : Ce livre est une collection complète sur la vie du Professeur Clark avec des tranches d’histoire du tatouage, du début du XXe siècle. Ce livre est une véritable capsule temporelle qu’il faut lire. Tous les objets présentés appartiennent à la famille Clark et spécialement à Judith Lukas, sa petite-fille.
Ce livre contient des flashs d’un tatoueurs japonais « anonyme » découverts en Amérique. Ils semblent dater d’il y a plus de 100 ans.
A.B. : Peux-tu également me parler de ce livre « Floating West – Antique japanese tattoo flash » publié chez Rake House ? À ce sujet, sait-on quel est le premier tatoueur américain à entretenir un lien avec le Japon ?
P.N.D.Y : Ce livre contient des flashs d’un tatoueurs japonais « anonyme » découverts en Amérique. Ils semblent dater d’il y a plus de 100 ans. Nous ne savons pas qui a été le premier et il serait difficile de le dire avec certitude. Cependant, O’Reilly s’est lié avec un tatoueur japonais nommé HoriToyo, assez tôt, vers 1899-1900. Les Anglais ont aussi eu un contact avec un artiste japonais autour de cette époque.
A.B. : Pourrais-tu t’orienter vers le style japonais ? Peut-être dans une dizaine d’années ?
P.N.D.Y : Non, je souhaite toujours garder une base du traditionnel Américain, j’ai fait beaucoup de tatouages sur le thème asiatique ces derniers temps, mais c’est juste parce que c’est ce que les gens voient sur ma page. Publiez un tatouage de dragon et tout le monde voudra un tatouage de dragon, et il devient difficile de vendre autre chose.
A.B. : Es-tu nostalgique d’un milieu du tatouage à l’ancienne ?
P.N.D.Y : Certains diront que je « fétichise » même… Peu importe ce que cela signifie.
A.B. : Il y a un regain d’intérêt des tatoueurs traditionnels US pour le tribal en ce moment. Qu’en penses-tu ? Est-ce que tu t’intéresses à son histoire ?
P.N.D.Y : Oui, je trouve que c’est super cool et je suis heureux de voir de véritables conceptions tribales avoir ce regain d’intérêt et de popularité. Le tatouage tribal a une histoire bien plus longue que le tatouage « professionnel », alors je suis content de voir qu’il est enfin étudié et examiné de si près
Site : www.tattooingtoperfection.com
Instagram : @prof.york