Pegg Tattoo Machines fabrique des dermographes. Elle privilégie un cadre robuste, des bobines à la conductivité électrique efficace et surtout le bruit !
Pegg Tattoo Machines fabrique des dermographes. Elle privilégie un cadre robuste, des bobines à la conductivité électrique efficace et surtout le bruit ! Un atelier confidentiel qui propose du homemade avec un vrai savoir-faire. En effet, cette collaboration allie l’expérience de deux amoureux de l’artisanat d’art et d’objets anciens. Antoine Paul DZR est tatoueur à « The Black Lotus Antwerpen ». Tandis que sa femme Peggy, alias Pegg, est spécialiste dans le travail du métal.
Texte : Alexandra Bay – Article publié sur Jeter L’encre
Pegg Tattoo Machines, un projet qui date
Ce projet de machines « homemade » tenaillait Antoine Paul depuis longtemps, « Quand on habitait à Mons (BE), il y a quelques années, on essayait déjà de fabriquer des machines. Mais on cherchait des équerrages, ça a pris du temps pour s’équiper… désormais, nous pouvons créer des machines de A à Z ». Et c’est ainsi que Pegg Tattoo Machines a vu le jour.
C’est une belle occasion pour le couple d’unir ses compétences. En effet, Pegg travaille le métal et Antoine réalise le montage. Puis il finalise les réglages techniques des machines. Une fabrication qui est 100% artisanale. En effet, ici il n’y a pas de « concept marketing ». D’ailleurs, lorsqu’on veut connaître le choix du nom Pegg Tattoo machines, le couple rétorque en cœur « parce que c’est difficile de trouver un nom qui sonne mieux ».
Pegg tattoo machines est un atelier de conception artisanale du prototype à la série limitée. Ainsi, de la traceuse à la remplisseuse, chaque machine remplit sa fonction et bruyamment ! Antoine se remémore : » je suis arrivé dans un shop de 550 mètres2 avec 4 mecs qui tatouent en permanence. Ça m’a marqué de ne pas entendre le bruit d’une machine, ils bossaient tous à la rotative […] »
Antoine enchaîne à ce sujet : « Je suis arrivé avec ma machine à bobines et les gars ont constaté la différence… Ils m’ont dit tes lignes rentrent plus rapidement, la couleur aussi… quand ça revient c’est plus solide… pourtant, au début, ils ne voulaient pas laisser leur cheyenne… Ils disaient que les machines à bobines étaient trop lourdes. Ils ne voulaient pas avoir mal au poignet, l’inconvénient des vibrations, etc.
Je leur ai fabriqué les machines les plus légères possibles… et c’est drôle… Depuis, ils préfèrent les machines qui pèsent… Et oui, entre temps, ils ont ressorti leurs vieilles « sunsksin » d’il y a 10 ans, à 340 g. Alors que je leur fabrique des machines à 220 g. Du coup, on a lâché du leste. On essaie de faire des machines pas trop lourdes, mais à 20 g près, ce n’est pas grave… »
Antoine Paul, un parcours idéal
D’abord, perceur pour Wildcat, Antoine Paul sillonne les routes pendant plus de 15 ans. Dans les conventions, en shops… il rencontre et lie des amitiés avec de nombreux tatoueurs. Surtout les anciens dont il aime écouter les récits. Avant de tatouer, sa curiosité l’amène à démonter et remonter des dermographes – la base, non ? À l’époque, le perceur propose quelques « conceptions homemades » aux copains, mais ça s’arrête là.
Son intérêt grandissant pour le tatouage lui donne envie de manier l’aiguille. Il encre ses premières pièces chez Ritual Tattoos (BE). Rigoureux et précis, il améliore sa technique grâce à une constante remise en question. Déterminé, il tatoue aujourd’hui chez : « The Black Lotus Antwerpen » et « Iguana Tattoo », deux shops réputés en Belgique.
Après avoir acquis une certaine maîtrise du dermographe, Antoine se sent prêt pour l’activité de « builder ». « Au mondial du tatouage, Alex – Alex Vuillot de la Main Bleue (BE) – a testé deux de mes machines personnelles, les « numéros 0 ». Lorsque l’on fabrique des machines, j’utilise toujours les prototypes pour mon travail de tatoueur…
Alex a testé mes prototypes et en voulait une paire. On a donc sorti une série de 10. Je suis allé le voir à sa boutique… Il était en train de tatouer. Il a testé les 10 machines sur le tatouage qu’il piquait. Au final, il a pris les 2 qu’il préférait. J’avais préparé 5 liners (pour les lignes) et des shaders pour le remplissage… Il a pris celles qui avaient le plus de puissance. Car il préfère (préférait) travailler comme ça. »confie-t-il.
Un processus de fabrication rôdé
Dans le processus de fabrication, chacun a des tâches bien définies. En effet, Peggy s’occupe de l’équerrage et des cadres. Tandis qu’Antoine assemble et teste les machines. Prendre le temps de bien faire est leur credo. Ils fabriquent des séries de 10 machines dont ils aiment fignoler chaque partie.
« On ne fait pas couler les cadres en fonderie comme beaucoup de builders » explique Antoine avant de reprendre, « On part d’une barre de métal. C’est plus long dans la conception, car tout est fabriqué à la main. On essaie de trouver du métal étiré CX10 avec peu de carbone. En effet, ça améliore la magnétisation du cadre. L’électricité passe mieux entre l’électro-aimant et les bobines. La machine chauffe moins. Le carbone gène la conductibilité du métal. »
Une géométrie précise
En plus de l’utilisation de ce matériau particulier, la géométrie a toute son importance. En effet, Pegg explique « Si les géométries sont toutes basées sur la même matrice. Les formes sont forcément uniques. Elles se ressemblent, mais ça ne peut pas être exactement les mêmes. Il faut que mes surfaces soient ultras plates, d’où le métal étiré.
À partir d’une base, je fabrique une matrice pour aller plus vite. Cette matrice est un cube de métal. Je décide de sa hauteur pour percer les trous aux bons endroits. Ça a toute son importance pour souder l’ensemble, car c’est plus rapide… Il faut que l’équerrage soit le plus précis possible pour éviter que tout fiche le camp lors de la soudure. À partir du moment où l’équerrage est calé, tu peux créer ce que tu veux. »
Contrôle technique des dermos
Une fois les dermographes assemblés, Antoine les teste jusqu’au bout de leurs limites ! Il vérifie leur résistance en les faisant tourner à vide. En effet, il s’assure que les soudures ne bougent pas. Ensuite, il insère des faisceaux d’aiguilles et fait tourner les machines à haut voltage, histoire de bien faire chauffer « le capaciteur ». Pour parfaire son contrôle technique, ce perfectionniste éprouve la fiabilité du dermographe en piquant un ou deux tattoos, « Comme ça, je sais que la machine tourne. Même si on ne peut pas prévoir qu’un spring pète ! » conclut-il.
Tatoueur et collectionneur
Ses modèles uniques, Antoine y tient. C’est un collectionneur invétéré de vieilles machines, « On a fabriqué quelques machines qui s’inspirent d’une machine de Tattoo Peter (Amsterdam) que j’ai acheté à un gars. Il avait aussi des vieux cadres à me vendre et m’a proposé un prix de gros pour un lot.
Je voulais surtout la machine de Tattoo Peter qui était rare (bien qu’il ait fabriqué des machines en série) et certifiée par un tatoueur qui encrait la couleur avec, dans son shop. Le gars qui m’a vendu la machine, m’a également vendu un cadre nu que j’ai monté, avec les bobines, la masselotte, etc. Et c’est devenu ma machine favorite pour la couleur ! Je l’utilise pour tous les tatouages que j’encre.«
Choisir entre artisanat et industrie
Le travail artisanal a ses limites en termes de productivité. En effet, Antoine tatoue à temps plein. Aussi, il fignole ses machines sur son temps libre ! Il explique à ce sujet « Le week-end dernier, j’ai soudé toutes les bobines, j’ai coupé les springs, mais ça prend du temps… J’ai réussi à régler trois machines dans la journée ». Lorsque je lui demande s’il n’a pas envie de former Peggy, il répond : « […] Il faudrait que Pegg apprenne à tatouer pour comprendre les rouages de la machine. »
Instagram, 1er arrivé, 1er servi
Le succès est tel qu’ils ne travaillent plus à la commande. Ils ont trouvé un autre système : Instagram. « J’ai 15 mecs qui voudraient des machines. On n’a pas envie de les faire attendre. Donc on fabrique des machines par série de 10. Puis, je les propose par instagram ou par mail aux tatoueurs. Le premier qui la veut en devient le propriétaire » avant de conclure :
« Notre satisfaction, c’est de savoir que des bons tatoueurs utilisent nos machines : toute l’équipe de la Main Bleue, Fabz de Mescal Tattoos, Lou et Sandy d’Iguana Tattoo Neufchâteau, Jorre de The Black Lotus Antwerpen, Rude 23 keller, Jean de 23 tattoos Anvers, Needles, Philip de Liberty tattoo Anvers, Dark Bird, Stef de The Ace’s Tattoo shop. »