Inocent Kidd a débuté son apprentissage en garde à vue avant de tatouer ses codétenus du centre pénitentiaire de la Picota, à Bogotá.
Partie 1/2 : Une garde à vue de 43 jours
Artiste talentueux, Inocent Kidd a appris le handpoke en autodidacte, il y a 3 ans. À 29 ans, il est passionné par l’ignorant style, les tatouages criminels russes et français. Il a un projet, devenir un professionnel du tatouage. Inocent Kidd a débuté son apprentissage en garde à vue avant de tatouer ses codétenus du centre pénitentiaire de la Picota, à Bogotá. Suivez son quotidien sur son Instagram @Inocent_kidd. Je vous dévoile son histoire en 2 parties, de sa garde à vue à son incarcération dans la prison de Bogotá, en Colombie.
N.B. : Inocent Kid a été extradé en France. Son affaire est en cours d’instruction. Nous ne pouvons donc pas dévoiler de détails précis sur la raison de son incarcération, ni son identité.
Avec le projet de devenir professionnel, Inocent Kidd ne se destinait pourtant pas au métier de tatoueur. Cette révélation, il la doit à la prison. Durant son incarcération dans une prison colombienne, le tatouage est devenu son espace de « liberté ». Extradé dans une prison française depuis 1 an, le jeune homme de 29 ans s’accroche à son rêve, comme une question de survie. Sa formation artistique, c’est l’école de la rue et surtout celle du graff, un milieu où il traîne depuis l’âge de 12 ans. Du graff au tattoo, il n’y a qu’un pas et de nombreux copains deviennent tatoueurs. Son pote Waram fait partie des pointures de l’ignorant style « Made in France ». Ce style 00’s à l’esthétisme « brut » sort des codes traditionnels du tatouage et en black ink, bien sûr !
Avant son incarcération, Inocent Kidd a une passion viscérale pour le graff, mais il n’a pas encore de coup de cœur pour le maniement des aiguilles. Il se souvient : « J’avais l’impression que tout le monde tatouait, alors je n’ai pas voulu débuter à ce moment-là. En plus, j’avais du mal à me poser et à dessiner. J’étais toujours en mouvement. » Mais il aime le tatouage, car ces modes d’expression sont très proches. Ils permettent de marquer un instant précis. Inocent Kidd a une jolie comparaison : « J’aime tatouer une peau qui va bouger et se déplacer. C’est comme un graff sur un train qui va parcourir des km, ça raconte et transporte une histoire. » Ses influences sont Lugosis (@lugosis) et Fuzi (@fuzi_tattoo). Il aime l’ignorant style et les motifs de prison, car ils racontent une histoire. Son truc, c’est le côté brut et instinctif du tatouage.
En 2019, Inocent Kidd scelle son destin avec le tatouage en Colombie, où il réside depuis 2 ans. En effet, Interpol le place en garde à vue dans un poste de police sur la côte colombienne. À terme, il est prévu qu’il soit extradé vers la France, mais dans l’attente de ce départ, il sera transféré dans une prison colombienne, la Picota à Bogotá. Le jeune homme de 26 ans craint le pire, mais il est loin d’imaginer que sa garde à vue sera tout aussi mémorable. Il va passer plus de 43 jours dans une minuscule cellule de moins de 10 mètres carrés. Prévue pour 2 personnes de passage, ce sont pourtant entre 6 à 8 prisonniers qui partagent cette promiscuité pour un temps indéterminé. Il y a de quoi devenir fou ! Il se remémore : « C’était un bordel pas possible. La cellule était au fond de la cour d’un petit commissariat de police. On se serait cru au bled. Les chiottes étaient dehors. On devait pisser dans des bouteilles en plastique. On crevait de chaud. « El cai », c’est le pire endroit où tu peux être. Les mecs supplient les policiers pour partir en prison. Et encore, celle-ci n’était pas trop surpeuplé ! » Ce sont des conditions de détention difficiles, mais il a encore assez d’argent pour améliorer son quotidien, car en Colombie tout s’achète, même la police.
Avant de péter les plombs, Inocent Kidd décide d’occuper ses longues journées avec le tatouage. La technique la plus appropriée est le handpoke, ce tatouage de taulard à la triplette (trois aiguilles). Un pote lui a déjà encré un motif sur la jambe et il a pu observer le maniement de l’aiguille. Le jeune homme se souvient : « J’ai compris que ma détention allait durer longtemps. Les gars m’ont vu arriver avec Interpol. Ils se sont dit que j’étais plein aux As. Ils m’ont offert leurs services. Alors, je leur ai demandé du matos pour me tatouer et occuper mes journées. Ils m’ont ramené des aiguilles et de l’encre. » Inocent Kidd met du cœur à l’ouvrage et se tatoue une carte, un 7 de carreau, sur la jambe. Le résultat convainc l’un des détenus qui veut exactement la même. Il se rappelle : « J’ai commencé à tatouer les petits narvalos de ma cellule. En échange, ils me laissaient le seul matelas qu’on avait pour dormir, ou ils nettoyaient la cellule. À chaque fois, les gars arrivaient et repartaient avec un tatouage… plus le sourire. »
Inocent Kidd va faire son apprentissage grâce à ses codétenus et surtout, aux policiers. « J’ai pris du niveau en garde à vue, car j’ai accepté de tout tatouer. Je leur avais déjà dit que je savais tatouer, alors il fallait que j’assume. En plus, c’étaient des keufs, je n’en avais rien à foutre de leur faire des tatouages cheums. Les gens apprennent sur de la peau de cochon, j’ai aussi appris sur de la peau de cochon, rires. Il y avait un keuf c’était le plus méchant, il parlait mal à tout le monde. Quand il ramenait des gars, il les tapait. Il faisait trop le malin. Il a vu que je tatouais ses collègues, il en a voulu un. C’était son premier tatouage. J’ai tatoué l’empreinte du pied de son gosse sur le « pec » avec une écriture et il criait ! On a trop rigolé. » Les policiers vont devenir accro à l’art du petit français. Inocent Kidd va tatouer entre 1 à 2 policiers par jour, même ceux qui font leur service de passage.
Durant la journée, ces séances lui permettent de quitter la cellule. Il tatoue dans la salle d’attente du poste de police avec la climatisation, un vrai privilège. Il se rappelle : « Ils me sortaient de la cellule, c’était bien. Ils me ramenaient de la bière, des clopes. Je rigolais avec eux. Un jour, on a même organisé un barbecue avec du rhum, c’était n’importe quoi. » Mais, il reste quand même sous surveillance ! Il n’est pas question de laisser un suspect d’Interpol s’échapper. Lors des séances de tatouage, une équipe se met en planque plus haut sur la route pour prévenir de l’arrivée des chefs gradés. Pendant ce temps, Inocent Kidd tatoue les policiers de la deuxième équipe. Son talent est tellement apprécié qu’ils le réveillent même la nuit ! Le gamin est en mode furtif à chaque séance, car la police peut être appelée pour une intervention ou les gradés peuvent arriver. Alors, ils doivent interrompre la séance pour la reprendre ensuite ! Cette période intense de 43 jours va lui permettre d’affiner sa technique et de développer son art. Il tatoue plus de 60 tatouages sur les prisonniers et les policiers. Il a acquis suffisamment d’expérience pour devenir un vrai tatoueur à la Picota où il va être incarcéré. À suivre…