Herbert Hoffmann, un fervent défenseur de l’encre

Sur les réseaux sociaux, cette photo désormais mythique circule régulièrement. Une ode à l’amour vieillissant et au tatouage. Pourtant, qui en connaît l’histoire ?

Sur les réseaux sociaux, cette photo désormais mythique circule régulièrement. Une ode à l’amour vieillissant et au tatouage. Pourtant, qui en connaît l’histoire ? Avant de vous dévoiler l’histoire du couple Manischewski sur le cliché, il est indispensable de vous raconter celle de son auteur : Herbert Hoffmann.

Texte : Alexandra Bay – Article publié sur Jeter l’Encre

Emma et Oskar Manischewski – 1958

J’étais tellement intrigué par ces dessins bleus sur leurs mains et bras. J’ai toujours été attiré par les gens ordinaires, ils sont mon inspiration.

Herbert Hoffmann

Herbert Hoffmann, fils de boucher

Herbert Hoffmann né en 1919, à Stettin. Il est le fils d’un boucher. Herbert évolue dans un milieu de classe moyenne assez strict. Pourtant, enfant, il observe à loisir les balayeurs et ouvriers aux bras tatoués. Ces derniers le fascinent, malgré la mauvaise réputation qui leur colle à la peau.

Outre la passion de l’encre, Herbert Hoffmann éprouve une vraie tendresse pour le « prolétariat ». Dans les années 20, en Allemagne, la classe bourgeoise ne se fait pas tatouer. À ce sujet, Herbert raconte « Ma considération pour la classe ouvrière, qui était pauvre, mais avait des tatouages, a grandi considérablement. Je les ai admirés et trouvés courageux d’exprimer leur état d’esprit et leurs croyances par des tatouages que tout le monde pouvait voir sur leurs bras et mains. » Marqué par ces souvenirs d’enfance, Herbert deviendra le fervent défenseur d’un art longtemps ignoré.

Je les ai admirés et trouvés courageux d’exprimer leur état d’esprit et leurs croyances par des tatouages que tout le monde pouvait voir sur leurs bras et mains.

Herbert Hoffmann

Enrôlé de force

En 1940, il est enrôlé dans l’armée allemande. Sous le régime nazi, le tatouage a une connotation d’autant plus négative. Pourtant, son envie de peau bleue est toujours plus forte. Cependant, il n’arrive pas à assouvir son désir malgré ses tentatives d’approche auprès des dockers. En effet, il n’est pas simple de se faire tatouer à l’époque.

En 1945, il est fait prisonnier de guerre dans un camp Russe, durant 4 ans. Il y rencontre Gustav Wulf, ancien employé de la marine marchande russe. Les deux prisonniers lient un lien particulier. D’ailleurs, Herbert Hoffmann rendra hommage à Gustav lors de son premier encrage. À sa sortie de prison, Herbert devient représentant pour un éditeur. Il profite alors de chaque voyage professionnel pour photographier les tatoués qu’il rencontre. C’est avec son Rolleiflex qu’il immortalise ces marginaux.

1er tatouage

Son premier tatouage, il le doit à l’une de ces rencontres : Heiner, un balayeur aux mains tatouées. Il se balade avec du matériel et de l’encre de Chine dans sa poche de veston. Il pique Hoffman sur l’avant-bras gauche. C’est une réplique du motif porté par Gustav Wulf : une croix, un cœur et une ancre symbolisant « La foi, l’espérance et l’amour« . Ce moment spécial donne envie à Herbert de tatouer. Il commencera en tant qu’autodidacte.

Au début, j’ai tatoué des centaines de personnes gratuitement. De cette façon, j’ai fait le bonheur des autres et en même temps, je pratiquais l’art du tatouage.

Herbert Hoffmann

De passionné à tatoueur

Pendant plus de 10 ans, il tatoue et apprend sur le tas. Il tatoue même gratuitement comme il le confiera :  » Au début, j’ai tatoué des centaines de personnes gratuitement. De cette façon, j’ai fait le bonheur des autres et en même temps, je pratiquais l’art du tatouage ». Mais Herbert Hoffmann a envie de s’installer en studio. Ainsi, il demande une autorisation à Düsseldorf. Cependant, tatoueur n’est pas un métier, alors sa demande est rejetée !

Il réalise son rêve en 1961 dans la ville d’Hambourg. La ville considère son studio comme un commerce et le laisse donc exercer. Herbert dira à ce sujet : « Hambourg sans un tatoueur serait comme une soupe sans sel ». Son corps tatoué, il l’aimera et l’assumera vieillissant jusqu’au dernier souffle en 2010.

Hambourg sans un tatoueur serait comme une soupe sans sel.

Herbert Hoffmann

Le couple Manischewski

C’est en 1958 qu’il rencontre le couple Emma et Oskar Manischewski. Ce couple d’anciens artistes de cirque, ont connu leur heure de gloire durant les années 30. Emma était cracheuse de feu et Oskar avaleur de sabre. La rencontre se fait à Berlin. Les tatouages d’Oskar fascinent Herbert et seront l’un des éléments déclencheurs de son passage à l’encre.

Comme un pacte de ce dévouement à l’amour de l’encre, Oskar a fait promettre à Herbert de se faire piquer les mains « Herbert, tu dois absolument te faire tatouer les mains. Pour quelqu’un qui éprouve tant de plaisir à se faire tatouer, il est absolument nécessaire de le montrer… Et ceci en se faisant tatouer des parties visibles ».

Herbert Hoffmann rend hommage au couple qui trône sur la couverture de son magnifique livre « Living picture books – Portrait of a tattooing passion 1878-1952 ». Plus encore, il tient sa promesse : «Petit à petit, mon corps s’est transformé en livre d’images. Le jour de mes 70 ans, je me suis fait tatouer les deux mains… jusqu’au bout des doigts. Mon rêve de jeunesse a finalement été réalisé », peut-on lire dès les prémices du livre.

«Living picture books – Portrait of a tattooing passion 1878-1952»

  • Relié: 280 pages
  • Editeur : Memoria Pulp (1 novembre 2002)
  • Langue : Allemand, Anglais
  • ISBN-10: 3929670348
  • ISBN-13: 978-3929670349
https://www.histoire-du-tatouage.fr/

+++ Auteure de LOVE, TATTOOS & FAMILY, (ISBN : 2916753214) +++ Co-Fondatrice de FREE HANDS FANZINE +++ TATTOW STORIES +++

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