Le livre « Du tatouage chez les prostituées » est le fruit des travaux du Dr A. Le Blond et Lucas. Au début du 19e siècle, on tolère la prostitution. Cependant, à l’âge d’or du Chabanais, la brigade des mœurs mène la vie dure aux prostituées légales et illégales, les insoumises. En effet, la syphilis, insidieuse, se propage comme une rumeur. Contrôlées, les filles à cartes, les prostituées légales subissent une visite médicale plus humiliante qu’une « passe ». Et ça se déroule à la prison-hôpital Saint-Lazare.
Texte : @Alexandra Bay
La prison-hôpital Saint-Lazare, une source inépuisable
« Les tatouages, étude anthropologique et médico-légale » du docteur Alexandre Lacassagne, père de l’anthropologie criminelle, fait des émules dans le milieu médical. Cependant, aucun médecin n’a étudié cette pratique au sein de la prostitution. Nous sommes donc en 1857 et la prison-hôpital Saint-Lazare compte environ 1300 détenues.
Il faut dire que l’hôpital a été placé sous l’administration de la préfecture de police. C’est donc la raison pour laquelle les insoumises – ces prostituées non déclarées – y sont condamnées. Tandis que les prostituées « légales » peuvent décider d’y être internées. Enfin, « décider » est un grand mot, elles sont souvent internées sous l’autorité paternelle ou sur un simple avis médical !
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Écriture d’un mémoire sur le sujet
Au sein de l’hôpital, Albert Le Blond, médecin, et Arthur Lucas, interne, décident de décrire les tatouages qu’ils observent chez leurs patientes. C’est donc l’objet du livre « Du tatouage chez les prostituées ». C’est la Société d’édition scientifique qui publie ce mémoire en 1899, première étude du genre.
De façon classique, le mémoire reprend une histoire du tatouage bien connue. Puisque les auteurs citent des études déjà réalisées par Lacassagne, Berchon et Tardieu. Donc on apprend rien de nouveau sur l’histoire du tatouage. Cependant, ce n’est pas l’ambition de nos deux praticiens. Aussi, ils dressent un rapide état des lieux d’une pratique marginalisée en Occident.
En dernière analyse, l’auteur conclue par un paragraphe édifiant : « Le sexe masculin occupe la première place, marins, militaires (surtout ceux qui vont aux colonies), forgerons, prisonniers, sont généralement tatoués. Il n’est guère de circonstances où il soit donné d’observer de nombreux cas de tatouages chez la femme. C’est en effet, dans ce sexe, un indice néfaste pour la moralité du sujet. […] C’est par un tatouage infamant que la justice désignait autrefois les coupables […] rien n’est définitif, aucune marque indélébile ne doit à jamais être gravée qui ôte à l’homme les plus précieux attributs de son individualité : l’indépendance et la liberté ! «
Des prostituées à la morale déchue
Bref, si A. Lacassagne dresse un profil de gaillards narcissiques et fiers de leurs forfaits, le docteur Le Blond dépeint un portrait peu flatteur de ces faibles femmes. Il les décrit comme des victimes à la morale déchue. Des femmes qui subissent l’emprise d’hommes eux-mêmes tatoués.
En effet, les praticiens constatent deux circonstances qui les incitent à sauter le pas de l’aiguille. Ces femmes jurent soit un amour « éternel » avec de jolis motifs qui finissent souvent par se transformer en une tombe vengeresse, soit elles cèdent à l’étalage du tatoueur et à son beau discours avec un fort désir d’épater la concurrence.
Ainsi, dans le livre Du tatouage chez les prostituées, le docteur Le Blond reprend la technique approuvée de Lacassagne, puisqu’il reproduit les motifs des tatouages à l’aide de décalques. Puis, il dresse une interprétation assez succincte et il faut le dire, peu intéressante.
Par ailleurs, une fiche d’identité décrit la patiente puis précise « sa situation » et « ses particularités ». Ce sont des informations qui semblent bien étranges, à l’heure actuelle… En effet, en plus du nom et de l’âge, le docteur Le Blond mentionne lorsque « la patiente a été formée (sa puberté) » puis « détournée de ses devoirs ».
En conclusion, ce sont de nombreux motifs qui rendent hommage à l’amour passionnel ou à la trahison amoureuse, sous forme de : Je t’aime, de pensée, de cœur transpercé, de colombe, d’angelot, etc. Je vous donne un aperçu d’une édition originale du livre que je possède :
Enfin, Je ne saurais que trop vous conseiller de lire cet essai des Dr Le Blond et Lucas qui retranscrit une partie de l’histoire du tatouage dans un autre contexte sociétal.
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