Djita Salomé est un personnage mystérieux qui a longtemps attisé ma curiosité.En effet, j’avais acquis une carte postale dans un magasin spécialisé tenu par un homme élégant et discret. Dans ses collections, il avait quelques artistes de cirque tatoués et des soldats français. Une magnifique affiche de Constentenus au skating de la rue blanche, était exposée sur l’un des murs. Quelque temps plus tard, quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai découvert cette carte de la princesse orientale exposée au musée du quai Branly. Elle trônait fièrement sur un pan de mur au sein de l’exposition tatoueurs, tatoués. Aussi, j’ai eu envie de mener ma petite enquête.
Texte : Alexandra Bay
Djita Salomé, la beauté bleue
J’ai découvert Djita Salomé lors de mes déambulations dans les rues parisiennes. Un magasin de vieilles cartes postales exposait des clichés sur les balbutiements de la photographie. Passionnée, j’ai décidé d’aller jeter un œil. De belles armoires de rangement en bois ancien, des tables de consultation dans le même ton, une lumière chaleureuse et douce, un vendeur discret et fort aimable, c’était des conditions idéales pour fouiller dans les collections du lieu. Les cartes étaient soigneusement rangées par tiroir non étiqueté. Aussi, j’ai demandé s’il avait des collections de tatoués. Il a récupéré une liasse dans un tiroir qu’il m’a remis sur la table d’examen. Ma curiosité attisée, j’ai commencé à scruter soigneusement le lot. Et c’est à ce moment que j’ai découvert les cartes de la belle princesse orientale tatouée, intitulé « Polychromo vivante ».

Djita Salomé polychromo vivante
Mais qui est Djita ? Tant de mystère et de fausses pistes. Les artistes de cirque aimaient s’inventer une légende personnelle comme on l’a vu dans histoire du tatouage traditionnel. Une espionne allemande ? Oui, j’ai vu cette mention griffonnée au crayon à papier, au dos d’une carte. On ne connaît ni sa date de naissance, ni celle de sa mort. Par contre, Djita tournait déjà en 1900, on peut déduire qu’elle avait déjà une bonne vingtaine d’années. Peut-être est-elle née en 1880 ? Djita Salomé affirmait être égyptienne. Sa légende raconte ainsi qu’elle a été tatouée de force. Les peaux-rouges du Dakota (US) ont encore sévi. Ses tatouages aux 14 tons différents ont même été réalisés avec des aiguilles en or ! Ainsi, elle est devenue la femme aux 100 000 000 piqûres, la polychromo vivante tatouée au procédé électrique, etc… Que d’histoires fantaisistes qui alimentent le fantasme de la beauté bleue orientale tatouée.

Une artiste appréciée en France
En réalité, l’artiste de cirque Djita Salomé est née en Allemagne. Il semble que ses tatouages aient coûté plus de 30 000 marks, soit plus de 15 000 euros actuels. Et ceux en couleurs coûtaient plus de 10 000 marks. Visiblement, l’artiste avait beaucoup de succès en France. Elle tournait régulièrement en Europe. C’est peut-être la raison pour laquelle, nous avons tant de cartes postales écrites en français.
Des tournées régulières en France et Europe
Sur le site allemand de cartes postales vintage postkarten, l’auteure Andreas-Andrew Bornemann a recensé ses nombreux passages en Europe.Par exemple, en 1900 et 1912, Djita était en tournée au Castan’s Panopticum et au « Berliner Passage-Panoptikum », situé rue Friedrichstrasse à Berlin. Le Castan’s Panopticum était un cabinet de cires comme Mme Tussaud, tout aussi célèbre en Allemagne. Ce sont les frères Castan qui ouvrent le cabinet à Berlin en 1869. C’est le premier musée de cires de la ville. Cependant, un incendie le détruit en 1872. Aussi, les frères Castan déplacent la salle d’exposition dans la Kaisergalerie, située au Friedrichstrasse, à Berlin.
Luna Park Paris
Djita Salomé donne également des représentations en 1909 à Kiel/Schleswig-Holstein. Il n’y a pas plus d’informations à ce sujet. Puis on la retrouve en 1912 en France. Elle exhibe ses tatouages au Luna Park Paris et dans les vogues de Lyon. J’imagine qu’elle a dû tourner dans de nombreux autres spectacles. Le Luna Park de Paris, est un parc d’attractions ouvert de 1909 à 1948. Il est situé près de la porte Chaillot. Le Luna Park est construit sur le même modèle que Coney Island. C’est un immense parc d’attractions qui laisse une grande place au burlesque.
Le Guide du Promeneur révèle « Charles Sorlier a décrit avec malice deux divertissements qui avaient la particularité d’attirer les adolescents boutonneux et les amateurs de lingerie féminine. Le premier consistait à viser une cible avec une boule de bois qui, si elle parvenait à son but, faisait basculer d’un lit une fille en porte-jarretelles. Le second, aussi goûté, était le vaisseau spatial de l’attraction « Voyage dans la lune », sorte de « maison du rire » qui se terminait invariablement par un jet d’air comprimé relevant la jupe de demoiselles audacieuses. Cette attraction, mise en place lors de l’exposition Pan-américaine, a inspiré le nom de Luna Park, des parcs Magic City et de ceux qui ont suivi. » ( Le guide du promeneur : du 17e, Parigramme, 1995, ISBN 978-2-84096-027-0)

Les vogues de Lyon
Visiblement, Andreas-Andrew Bornemann évoque aussi le Luna Park de Lyon. Cependant, Monsieur Morand crée le Luna Park de Lyon seulement en 1967. Avant cette date, on parle des vogues de Lyon. Aussi, peut-on se poser la question de la présence de Djita dans ces fêtes de quartier. Pourquoi pas ? On imagine alors Djita Salomé qui danse en parure orientale tandis qu’un forain raconte son histoire avec gouaille.
Impresario et popularité
En 1913, Djita Salomé est si populaire qu’elle engage un imprésario pour organiser ses tournées internationales. Il s’appelle F. Cornélio et vient d’Oldham, en Angleterre. Son bureau s’appelle « World’s Fair Limited ». Je n’ai pas réussi à trouver plus d’informations sur ce monsieur et ses activités.Djita Salomé est l’une des rares artistes qui possédait son stand d’exposition dans les carnavals et les foires. Elle a tourné à Berlin, Paris, Londres, New-York et St Petersbourg.

Principale source : postkarten
Auteure : Andreas-Andrew Bornemann
L’auteure de l’article a des sources bibliographiques intéressantes que je vous conseille de consulter :
Das blaue Weib und andere Zirkusfrauen. Theoretische Aspekte von Tätowierungen unter besonderer Berücksichtigung von « Tätowierten Damen » in Zirkus und Schaubuden untersucht am Beispiel der Sammlung Walther Schönfeld | Igor Eberhard | Mitteilungen der Anthropologischen Gesellschaft in Wien (MAGW) | 2011
Körperbemalen, Brandmarken, Tätowieren | Walther Schönfeld | Alfred Hüthig Verlag | 1960
Die Tätowierung in den deutschen Hafenstädten. Ein Versuch zur Erfassung ihrer Formen und ihres Bildgutes | Adolf Spamer | Verlag: G. Winters Buchhandlung, Fr. Quelle Nachf. | 1934
The Tattooed Lady: A History | Amelia Klem Osterud | Taylor Pub Verlag | 2014
Tollkühne Frauen: Zirkuskünstlerinnen zwischen Hochseil und Raubtierkäfig | Brigitte Felderer Helma Bittermann | Knesebeck GmbH & Co. Verlag KG | 2014
Zeichen auf der Haut – Die Geschichte der Tätowierung in Europa| Stefan Oettermann | Syndikat Autoren- und Verlagsgesellschaft | 1979
Hallo Alexandra,
dein Artikel über « Djita Salomé » mit Bezug zu meiner Postkarten-Archiv.Seite gefällt mir sehr gut! Auch habe ich durch Dich erfahren, das der « Luna Park Lyon » erst 1967 eröffnet hat. Somit konnte ich meinen Eintrag zu « Djita Salomé » in Lyon/Frankreich berichtigen.
Gruß aus Hannover, Deutschland
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Hello Alexandra,
I really like your article about « Djita Salomé » related to my Postkarten-Archiv page! I also learned through you that the « Luna Park Lyon » opened in 1967. Thus, I was able to correct my entry to « Djita Salomé » in Lyon/France.
Greetings from Hanover, Germany
Thank you Andreas-Andrew ! I like your page about djita, i learned a lot of things about her 🙂
And, yes isn’t luna park but parties named ‘les vogues’ :-)) And thank you for your bilbiography !
Alexandra